Infini
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Thomas Lerooy

Infini

06.07.07 → 28.09.07

Utilisant un langage figuratif apparemment limité Thomas Lerooy crée un univers aux possibilités infinies. Dans ses dessins et sculptures les symboles de la déchéance, de la fugacité et de la mort sont omniprésents. Il y règne à la fois une vivacité incroyable, ça grouille comme dans une meilleure Danse Macabre. Les putti et les centaures aux têtes de mort écoutent, se moquent du spectateur, posent d’une allure fière, urinent, dansent, se heurtent, vomissent...Ils représentent le récit de la déchéance sempiternelle mais ils le font d’une façon terriblement joyeuse. Les symboles de la mort nous rappellent les tableaux de la Vanité du 17 ième siècle, mais aussi l’humour grotesque et macabre de James Ensor, de Félicien Rops et d’Antoine Wiertz. La tête de mort, le motif par excellence est un symbole fort pour beaucoup mais il égale à la fois mystère, angoisse, égalité (nous sommes tous égaux dans la mort). Comme James Ensor qui fait ses autoportraits avec une tête de mort ou les prostituées de Félicien Rops, faisant l’amour avec des squelettes ou encore Antoine Wiertz qui fait poser sa ‘belle Rosine’ à côté d’un squelette, sa réplique sans peau ni os. Le monde créé par Thomas  Lerooy dans ses dessins, naît d’un réseau inextricable de motifs qui convergent. Non seulement des icônes de la sculpture (cfr David de Michelange, le Manneken Pis de H. Duquesnoy) ou la tradition funéraire sont retravaillées mais aussi les logos connus d’anciennes annonces passent la revue (cfr Belga, Mère Poularde,...), les ornements de l’imprimerie, les éléments décoratifs de l’architecture et des arts appliqués, de l’architecture de tartes, animaux, motifs exotiques, éléments des jeux de société (jeux de cartes, le dr Bibber, le joie de l’oie),...Par les liens fantastiques qu’il crée et en présentant les choses à l’envers, il disloque le sens des icônes de notre civilisation et il les représente d’une manière amèrement humoristique. De l’un découle l’autre comme d’une source, couche après couche, pour devenir un ensemble dédaléen de sens et de tromperies. De ces compositions monumentalement bizarres naissent entre autres des fontaines de perdition ou des grottes apocalyptiques , des accès aux sphères à la Dante Aleghieri. Toutes richement pourvues de têtes de mort et de fruit pourrissant.

 

A cause de sa fréquentation libre et même sans respect de son iconographie, son travail n’a rien à voir avec l’adoration de la mort comme dans les scènes de gothic – ou deathmetal- et encore moins avec l’un ou l’autre système de pensée moralisateur. Il s’agit de la création d’un nouvel espace mental et de la recherche de l’impact de son langage imaginaire, du sens actuel de motifs de l’histoire de l’art, de la relation entre l’oeuvre d’art, l’espace et le spectateur, de la beauté et du mauvais goût. Dans ses sculptures Thomas Lerooy montre une grande fascination pour la tradition monumentale de la sculpture et pour le sens de ‘l’aura’ autour de l ‘art. Il manie le style et la technique d’une façon perfectionniste et maniériste, il est sensible au détail et à la proportion. Son oeuvre témoigne à la fois d’une grandeur baroque et de force. D’une façon singulière Thomas Lerooy continue la tradition de faire des monuments qui exigent le respect du spectateur et qui deviennent un point de repère pour leur environnement. Bien sûr la force de son oeuvre dépasse l’honneur et la gloire des figures oubliées comme au dix-neuvième siècle. Par l’usage de symboles de la déchéance et de la fugacité il détourne le sens civil d’un monument et lui donne une charge ironique. Les figures qu’il forme surgissent apparemment d’un autre monde parallèle. En plus du jeu de l’attrait et du rejet elles évoquent une réaction directe chez le spectateur sans permettre d’être saisies de façon univoque.

 

Thomas Lerooy crée de cette façon un champ de tension entre la sculpture et l’espace environnant qui est ressenti depuis lors comme claustrophobe et menaçant. Pour le projet de vitrine Sorry we’re closed Thomas  Lerooy s’est inspiré de la statue équestre du roi Albert I sur le Mont des Arts. Le corps du petit cheval au crâne humain s’est écrasé d’un coup pénible et dur contre la vitrine d’une galerie. La sculpture renvoie au mythe grec des centaures, les enfants de Centaure. Ce sont des êtres primitifs auprès desquels aucune femme n’est en sécurité. Ils entraînent le chaos mais ils sont à la fois les accompagnateurs vers l’au-delà. La proximité du Palais de Justice de Bruxelles joue un rôle prédominant dans la perception de la sculpture : le symbole belge de la jurisprudence (un jour le plus grand bâtiment public du monde) est à la fois un bâtiment aux proportions extravagantes, un labyrinthe aux couloirs infinis aux chambres et passages secrets ou inconnus. La tension qui naît entre la sculpture de Thomas Lerooy et le monument obscure de la justice est celle entre l’ordre et le chaos, la raison et la sauvagerie.