Observatoire
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Marcel Berlanger

Observatoire

16.02.06 → 16.03.06

Révélation.

 

L’art de Marcel Berlanger est un art de révélation, au sens photographique du terme. Il s’agit à la fois de livrer une image et d’en dévoiler l’origine picturale. Souvent perceptible au premier regard, le motif choisi n’est pas innocent ; il est le résultat d’une ensemble de préoccupations formelles et symboliques. Au delà de leurs qualités plastiques très spécifiques, les cyprès, thujas, saules, chrysanthèmes, etc. sont porteurs de significations extrinsèques. Pour cette exposition, de nouvelles images sont apparues : une botte de cuire, attribut de domination et de soumission (parfois volontaire) ; un cactus traversé d’un trait vert à la bombe, comme produit par un bombage ; une vue au microscope d’une minerai d’uranium (Zeunérite), construction extrêmement rigoureuse du chaos et contribution belge à la première bombe atomique ; une citation de la Princesse de Brogly d’Ingres, longtemps sociétaire de la Villa Médicis voisine, figure emblématique d’un enseignement académique et archétype d’un art au service du pouvoir. Rien de gratuit donc : un ensemble de signes dont on pressent immédiatement les possibilités de maillage. Formulée de la sorte, la peinture de Marcel Berlanger ne livre pas seulement le « quoi », elle révèle également le « comment » et induit immédiatement le « pourquoi ». Frank Maes a fort justement écrit que « la technique utilisée constitue souvent le vrai sujet de la peinture. » L’image et son processus d’apparition son intimement liés et surtout ils sont montrés. L’appréhension des œuvres implique une durée et un mouvement.

 

Si le motif se laisse cerner d’une premier regard distant, il se délite dès que l’on s’approche, pour livrer sans fard sa propre constitution : un réseau construit de touches de peinture, posées sur une surface. C’est en ce sens que le motif apparaît par révélation, comme une épiphanie qu’épuiserait un blow up trop intense. Il n’y a rien derrière l’image que sa propre matière constitutive et son organisation sur le support. Motif, matière et manière sont irrémédiablement associés. Le support en fibre de verre accentue la présence tactile de l’œuvre, bien qu’il en réduise l’épaisseur. Il dessine une trame sur laquelle est posée la couleur, favorisant cette impression de dispersion des éléments. Pourtant, dès la distance reprise, l’image réapparaît. Lorsqu’elles sont suspendues dans l’espace, certaines peintures sur fibre de verre laissent filtrer la lumière ; loin d’accentuer la matière, celle-ci renforce la présence spectrale des motifs. Fantômes, ils ont la fragilité de formes évanescentes, potentiellement en perpétuelle transformation possible, comme les volutes instables de fumée qui ont tant inspiré l’artiste. Ces motifs se laissent appréhender comme des réminiscences indistinctes d’états conscients et inconscients ; leurs sens naissent des affects psychologiques qu’ils peuvent générer chez chacun. Il n’est donc pas un hasard si, dès l’entrée de l’exposition, un optotype se superpose à une forme extraite du test de Rorschcah : les œuvres comme l’exposition se positionnent à la croisée d’une interrogation sociale et d’une expérience individuelle.

 

— Pierre Olivier Rollin Extrait du catalogue «ONE-EYED, Marcel Berlanger»